135) Amener au jour ce qui est caché


Archives, 01/03/2016 

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Détail d'une sculpture, place du Musée à Bruxelles, photo © Eric Itschert

Retrouver le sens des mots 


Parfois il est bon de retrouver le chemin des mots, de se questionner sur le sens des mots. 
Prenons le mot si souvent utilisé par les artistes: « je crée.»  Ne pourrait-on pas trouver d’autres mots, par exemple " je restitue ", " je transforme ", " je nomme ", "je fais apparaître"… ? 

Car nous ne créons pas ‘ex nihilo’. Croire que nous pouvons créer de rien est oublier que nous sommes tous en lien. Nous sommes atman en Atman, âme dans l’Ame, partie dans le Tout, humain en Hachem. 



Nous sommes tous en lien 


Nos ‘créations’ sont relatives, en relation avec. Une œuvre riche est celle qui fait la part équilibrée entre notre acquis (technique, histoire, vécu, environnement, relations…) et le vide, le pas encore vécu, tous les possibles. Oui, quittons le sens négatif de vide, rien, néant, pour y voir un sens plus positif : le vide est réservoir de tous les possibles. Pour cette raison il est apparenté à l’infini. 

L’artiste nomme, que cela soit par l’écrit, la musique, la sculpture ou la peinture. Nommer, c’est connaître et faire connaître, c’est faire apparaître. L’artiste a donc une grande responsabilité sur ce qu’il fait apparaître et comment il le fait. 


Amener au jour ce qui est caché 


Si je fais apparaître quelques fragments de beauté, c’est pour dire à mon environnement : vous êtes tous de belles personnes, retrouvez la beauté qui est en vous. 

Nommer c’est amener au jour ce qui est caché. Si je dévoile la nudité de l’homme, c’est pour lui rendre sa noblesse et sa beauté, à l’encontre de ce qu’on voit trop souvent à notre époque. A notre époque on navigue entre la dissimulation du corps et le dévoilement d’un corps souffrant et dégradé. Comme si on ne pouvait dévoiler qu’avec honte et culpabilité. Cette honte et cette culpabilité sont cause de beaucoup de mal. 


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‘Si je dévoile la nudité de l’homme…’
Détail du tableau « Zwin N2 », © Eric Itschert 


Pour acquérir la notion d’arbre il faut en voir plusieurs, apprendre à les connaître en caressant leur écorce, en se reposant à leur ombre, en cueillant leurs fruits, en observant leurs habitants. Pour acquérir pleinement la notion de son propre corps, il faut pouvoir en avoir vu d’autres. Quelle est la représentation qu’on peut acquérir de son propre corps nu si on ne tombe que sur des choses abjectes en cherchant sur le net ? 

Notre civilisation actuelle a déjà trop tendance à détruire le rapport que nous avons avec notre propre corps. Qu’on ne s’y trompe pas, ma peinture est militante ! Elle veut dévoiler ce que certains, par appétit de pouvoir sur l’autre, veulent à tout prix cacher. Eux seuls seraient habilités à édicter les règles, la « morale », et à « dévoiler » ce qu’ils ont d’abord voilé. Cacher la flamme, l’étouffer, l’éteindre ? Les politiques et les religions s’y emploient tous les jours. Et moi, je veux la rallumer ! Ne faites pourtant pas de moi un athée stupide parce-que j’ose critiquer les religions. Je suis spiritualiste. 


Ce que je ne puis nommer, je ne le dévoile pas. 


Quand je peins, je dévoile, je nomme. 

Ce que je ne puis nommer, je ne le dévoile pas. Je ne puis nommer יהוה (Hachem, la Transcendance). Je ne la représente donc pas. Mais ce que je connais, je peux le dévoiler. Et je voudrais tant encore pouvoir chanter la beauté et allumer le feu en chacun de vous ! 


Chanter la beauté 


Toute beauté est éphémère. Ainsi c’est la beauté qui m’apprend l’unicité de l’instant. François Cheng écrit dans son merveilleux livre « Cinq méditations sur la beauté » (éditions Albin Michel) : « Chaque être étant unique, chacun de ses instants étant unique, sa beauté réside dans son élan instantané vers la beauté, sans cesse renouvelé, et chaque fois nouveau. […] L’unicité transforme chaque être en présence, laquelle, à l’image d’une fleur ou d’un arbre, n’a de sens de tendre, dans le temps, vers la plénitude de son éclat, qui est la définition même de la beauté. » Ainsi l’univers est peuplé d’un ensemble de présences, et chaque présence, irréductible, se révèle être une transcendance. 



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De chaque visage humain rayonne une transcendance impossessible...

"Zwin N2 ", peinture à l’huile sur toile de lin, 80 cm x 100 cm, deuxième détail, © Eric Itschert 



Citons encore cette pensée d’Henri Maldiney : « De chaque visage humain rayonne une transcendance impossessible qui nous enveloppe et nous traverse. Cette transcendance [est] celle qu’implique, en chaque visage, sa qualité d’être, sa dimension métaphysique. » 

C’est, écrit François Cheng, de cette réalité que naît la possibilité de dire « je » et « tu », que naît […] celle de l’amour… 


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Détail d'une sculpture, place du Musée à Bruxelles, photo © Eric Itschert. 



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